"Séjour où des corps vont cherchant chacun son dépeupleur."
Samuel Beckett
Ces tracés aléatoires ont été réalisés par des machines. Ils sont le résultat d'un calcul de ma position par les satellites du système de géolocalisation américain GPS (Global Positioning System). Toutes les trois secondes, un recalcul est effectué, créant au fil des heures un nuage de points plus ou moins dense qui dessine l'incertitude de ma position. Des nuits entières, durant des semaines, j'ai allumé ma balise au moment d'aller me coucher. J'étais alors dans une période très triste de ma vie. Comme un gardien de phare, veillant avec ma lanterne clignotante sur l'océan des nuits, j'ai émis des centaines de milliers de petits signaux vers l'espace. Pour donner un visage à ma tristesse, tracer la carte de ma dérive immobile, essayer de croire à un sens et à un chemin au milieu du hasard et du chaos.
Chaque image représente un espace d'environ trois mètres sur deux. C'est mon lit et ses lisières. J'y ai voyagé, sans bouger. Les yeux fermés, sans rêver. Dans le noir, les satellites travaillaient à me chercher, sans jamais me trouver.